samedi 22 novembre 2008

Ateliers "Théories et pratiques de la censure"

Les activités scientifiques du CIREMIA ont repris le 8 novembre dernier, avec une journée consacrée à l'auto-censure:

Florent Kohler
Université de Tours - CIREMIA

De l'anthropologie impliquée à l'auto-censure : divers cas brésiliens

Résumé

La pratique de l'anthropologie auprès des populations dites traditionnelles et des peuples autochtones amène souvent à s'investir dans la défense de leurs droits et à participer, d'une manière ou d'une autre, à des programmes d'assistance gérés par des organisations non gouvernementales. Les programmes mis en place sont axés sur le "développement durable", où la protection de l'environnement joue un rôle crucial, comme objectif visant à pérenniser des moyens de subsistance, mais aussi comme argument justifiant de l'implantation du programme. Cet exposé a pour but, à travers divers exemples brésiliens, d'exposer les enjeux, tensions et compromis qui accompagnent la tentative d'allier protection environnementale et développement, particulièrement lorsqu'il s'agit de faire coexister des unités de conservation (Parcs Nationaux, réserves biologiques, Aires de Protection Environnementales) et des populations locales.






Mathilde Allanic
Lycée Louise Michel de Gisors - CIREMIA

Autocensure et réécriture: Rafael Azcona et la censure


Résumé

Le scénariste et écrivain Rafael Azcona a commencé à écrire dans les années cinquante et a vécu la censure de façon continue aussi bien en ce qui concerne ses romans que ses scénarios. Nous centrerons notre attention sur le phénomène de l'autocensure inhérent au système en vigueur et qu'Azcona reconnaît avoir pratiquée à son corps défendant: "en cuanto se descuida uno acaba colaborando con el censor autocensurándose". Puis, nous observerons comment, chez cet écrivain, la censure et la conséquente autocensure ont eu un effet assez particulier sur le destin de ses textes, puisqu'il a entrepris, quelque 30 à 40 ans plus tard, de réécrire ses romans, en tentant d'y insuffler la liberté de ton dont il manquait lors de leur première rédaction.


 




Mercedes Yusta
Université de Cergy-Pontoise

Censure implicite et autocensure dans le discours des communistes espagnols 
pendant le premier franquisme

Résumé

Cette intervention a pour but d'analyser la construction des discours élaborés dans la presse et les publications communistes, en Espagne comme en exil, pendant la période du premier franquisme (années 1940 et début des années 1950). Depuis 1939, aussi bien le PCE que les autres organisations de la gauche espagnole qui faisaient partie du camp républicain sont réduites à un silence quasi total dans l'espace public et à une situation de clandestinité et d'impuissance. Malgré cela, ces organisations, avec un succès notable dans le cas du PCE, réussissent à se réorganiser et à publier des organes de presse clandestins, souvent depuis l'exil. Cependant, au-delà des contraintes qu'impose cette situation de clandestinité, la dynamique interne de l'organisation donne lieu également à des mécanismes de censure qui modèlent les messages transmis par ces publications. Que ce soit le besoin de présenter le combat antifranquiste comme un combat triomphant, de cacher les polémiques internes et les voix dissidentes, voire d'imposer une "ligne officielle", le discours des communistes est soumis à des exigences diverses qui conduisent à une réflexion sur les formes de censure implicite ou même d'autocensure à l'œuvre dans cette organisation. La difficulté apparaît dès qu'il s'agit de la conceptualisation de ces mécanismes de formatage du discours: en effet, pouvons-nous parler d'une véritable censure "officielle", imposée d'en haut, ou bien faudrait-il évoquer des mécanismes plus complexes, à l'aune desquels chaque militant devient, en quelque sorte, son propre censeur – et souvent aussi celui des autres ? En tout cas, au centre de cette interrogation se pose la question du dit et du non-dit, des silences du discours, de la difficulté de démêler le vrai du faux, et, au fond, des difficultés auxquelles est confronté l'historien dans son travail de critique des sources, travail dans lequel l'analyse du discours s'avère de plus en plus une étape indispensable.